Fin août, dans l'Aude, un site archéologique connu, mais jamais fouillé, a été en partie détruit. Non par le feu ou le temps. Mais par un tractopelle venu faire place nette pour la construction d'une éolienne de 110 mètres de haut, l'une des six prévues par Alstom sur le site de Saint-Pierre-le-Clair. "Voici un bout de crâne humain, indique Christian Raynaud en époussetant un os plat ramassé par terre. Le chemin d'accès passe en plein sur le cimetière médiéval."
Ce professeur d'histoire est le premier à avoir donné l'alerte. Face à lui, s'élèvent les ruines d'une église romane sur lesquelles un écriteau rouge prévient qu'"il est formellement interdit d'emporter des pierres". En contrebas, quelques puits, des murets entrelacés et un carré de terre fraîchement battue de 50 mètres de côté. "Avant les travaux d'arasement, c'est là que se trouvait la majeure partie du village médiéval", assure Dominique Baudreu, du Centre d'archéologie médiévale du Languedoc.
"DEUX RECOURS JURIDIQUES"
"Mensonge !, s'insurge Patrice Cathala, maire de Bouriège, l'une des deux communes accueillant le parc éolien. Là-haut, il n'y a que des cailloux empilés par des paysans et les restes d'une église récente." Ce qu'infirme Florent Hautefeuille, spécialiste de l'archéologie médiévale à l'université Toulouse-II : "D'après la configuration des lieux, il s'agirait d'un village médiéval créé au XIIe siècle et déserté au XIVe." A cause de la crise économique et sociale qui a accompagné la guerre de Cent Ans, la majorité des hameaux ont été abandonnés, surtout dans le Sud, où l'habitat était très épars. Pour l'archéologue toulousain, le site de Saint-Pierre-le-Clair, répertorié en 1985 lors d'une campagne aérienne, aurait dû a minima être sondé avant le début des travaux.
"Mais ce projet de parc éolien a fait l'objet de deux recours juridiques, s'emporte Patrice Cathala. Les papiers ne peuvent qu'être en règle." En effet, depuis 2001 et les premières lois sur l'archéologie préventive, les demandes de permis de construire sont censées être visées par la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et son service régional à l'archéologie (SRA). Un service qui, concernant ce dossier, ne possède qu'une demande d'informations datant de 2003 et venant de Tencia, filière de l'entreprise espagnole Ecotecnia. La demande étant vague, dépourvue de plan d'implantation des éoliennes, le service répond en transmettant une carte positionnant le site médiéval. Mais sans que le SRA soit de nouveau consulté, en octobre 2006, Tencia obtient un permis pour construire six éoliennes à la suite d'une demande déposée en 2004. Ce permis est immédiatement attaqué par des riverains, mais sur des arguments environnementaux, et non archéologiques. Ces plaintes sont rejetées en 2008 et en 2011. Entre-temps, Ecotecnia est racheté par Alstom, qui fait ainsi son entrée sur le marché de l'éolien.
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